Depuis les arrêts de principe rendus par la Cour de Cassation en Février 2002, il est acquis :
qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver
L’existence de la faute inexcusable de l’employeur a donc vocation à être consacrée dès lors que sont démontrés l’absence de moyen de prévention et la conscience du danger que pouvait avoir l’employeur.
Il a ainsi pu être jugé que :
“dès lors qu’un employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié du fait de l’usage d’un matériel ne présentant aucune anomalie en relation avec l’accident, aucune faute inexcusable ne pouvait etre retenue à l’encontre de cet employeur” (cass. soc. 31.10.2002 N° 01-20455 Bull. civ. V, N°335)
Classiquement, il n’appartient pas à la victime de prouver que l’employeur avait effectivement conscience du danger, mais simplement qu’il aurait du en avoir conscience.
On parle donc d’appréciation “In abstracto” de la conscience du danger. (voir à ce sujet Cass. 2e civ., 14 sept. 2004, no 03-30089);
Les limites de l’appréciation abstraite de la conscience du danger par l’employeur :
En l’état de cette appréciation, il a été imaginé qu’un bulletin météo annonçant un épisode pluie et de neige puisse être utilisée pour démontrer que l’employeur pouvait avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié qui avait chuté sur le parking de l’entreprise qui l’employait, à raison d’une plaque de verglas.
Ce raisonnement n’est pas retenu par la Cour d’Appel de Colmar dans un arrêt du 22 septembre 2016.
Frappé de pourvoi, cet arrêt est confirmé par la Cour de Cassation, qui considère :
Mais attendu que l’arrêt relève qu’à l’appui de sa prétention Mme Y… se prévaut d’un bulletin de vigilance météorologique diffusé le mercredi 5 janvier 2011 à 23h15, valable jusqu’au jeudi 6 janvier 2011 à 16h00, faisant état d’une alerte neige verglas – orange sur les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin suivant laquelle « un épisode de pluies verglaçantes affectera l’Alsace entre la fin de nuit de mercredi à jeudi et le début de matinée de jeudi » et recommandant en particulier d’être très prudent et vigilant en cas de déplacement ; que cependant l’existence de cette alerte météorologique ne peut en elle-même suffire à rapporter la preuve de ce que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés ses salariés en se garant sur le parking de l’entreprise le 6 janvier 2011 pour prendre leur poste comme Mme Y… à 8h00, alors que l’alerte avait été diffusée dans la nuit, qu’elle ne commandait pas de vigilance absolue, uniquement des consignes de prudence s’imposant à chacun en cas de déplacement ;
Que de ces énonciations et constatations procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d’appel a pu déduire que n’était pas rapportée, à l’encontre de l’employeur, la preuve de la conscience d’un danger concourant à la caractérisation de la faute inexcusable alléguée (Cass ; civ. 2° 25 Janvier 2018 – N° de pourvoi: 16-26384)
On touche ici aux limites de l’appréciation In abstracto de la conscience du danger.
Bien que la jurisprudence continue à apprécier de manière abstraire la conscience du danger, on peut se féliciter qu’elle écarte un bulletin météo qui n’avait à priori pas de lien direct avec l’activité du salarié.
On peut imaginer à l’inverse qu’un épisode de grand vent aurait pu être utilement revendiqué par un grutier, à ce titre directement exposé à ce risque particulier.